Agilité

Comment gérer les aspects budgétaires d'un projet Agile ?

26/11/2024
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L'Agilité, une approche budgétaire absente des cadres fondateurs

Si l'Agilité est née pour favoriser la réactivité, la collaboration et l'amélioration continue, la gestion budgétaire, quant à elle, n'a pas toujours été au cœur de ce cadre. En effet, les débuts de l'Agilité étaient surtout centrés sur la capacité à livrer des produits fonctionnels en cycles courts et à s'adapter aux besoins du client, plutôt que sur le suivi minutieux des budgets. Pourtant, dans toute organisation, une bonne gestion financière reste incontournable pour assurer la pérennité des projets. Alors, comment l'Agilité peut-elle s'adapter aux exigences de la gestion budgétaire à différents niveaux ? C’est ce que nous allons découvrir ensemble.

Au niveau stratégique : Prioriser la valeur tout en maîtrisant les coûts

Au niveau de la direction et de la stratégie globale, la gestion budgétaire agile repose sur une question clé : comment s'assurer que l'on investit dans les bonnes initiatives tout en maintenant un contrôle budgétaire raisonnable ?

Dans un environnement 100 % Agile, la réponse réside dans la capacité à prioriser la valeur. Loin des approches traditionnelles où tout le budget est alloué dès le début, on adopte ici une logique itérative. Un budget global est certes défini, mais les fonds sont réévalués et ajustés régulièrement en fonction de la valeur générée par les équipes et des évolutions du marché.

On parle souvent d’horizons d’investissement, qui consistent à diviser le budget en plusieurs étapes ou phases (court, moyen et long terme). Par exemple, au démarrage, l'équipe se concentre sur la création d’un produit minimum viable (MVP) qui permet de tester rapidement une idée avec un budget limité. Si les résultats sont prometteurs, on alloue davantage de ressources pour les phases suivantes. Cela permet non seulement de limiter les risques, mais aussi de s’assurer que chaque euro investi est directement lié à la valeur générée.

Quelle approche de gestion budgétaire en gestion agile ?

Au niveau des programmes : Flexibilité et ajustement des coûts

Dans les grandes organisations, où plusieurs équipes agiles travaillent sur des initiatives liées, la gestion des programmes est un autre niveau de la gestion budgétaire. Ici, la flexibilité est essentielle, car les coûts peuvent varier d'une équipe à l'autre ou en fonction des retours des utilisateurs.

Le Design to Cost est appliqué, le coût du programme est connu par itération du programme, il faut apporter du travail aux équipes agiles plutôt qu'estimer un périmètre, en déduire un budget et monter une équipe projet. L'Agiilité pratique les "long stable team", les équipes Agiles à la vie longue, celle qui ne sont jamais L'idée est simple : au lieu de concevoir un produit sans se préoccuper du coût et de chercher ensuite à ajuster le budget, on fixe d’abord un plafond budgétaire que l’on ne dépassera pas. Cela guide les équipes dès le départ vers des solutions optimisées en termes de coûts. On évite ainsi les mauvaises surprises financières tout en gardant une bonne maîtrise des priorités de conception.

Le financement incrémental est une autre méthode efficace. Ici, les fonds sont alloués par tranches ou par versions importantes du produit, selon les résultats obtenus. Si une équipe dépasse les attentes en termes de livrables et de valeur, elle pourra recevoir un budget supplémentaire pour continuer à améliorer le produit. Cela favorise l’agilité tout en maintenant une gestion budgétaire rigoureuse.

Au niveau des équipes : Budgétisation régulière et approche pragmatique

Au niveau des équipes agiles elles-mêmes, la gestion budgétaire devient un processus très opérationnel, car elles sont confrontées aux réalités du quotidien.

Si le management a opté pour une approche Cost to Design, les équipes peuvent définir la roadmap produit attendu itérationspar itération, cela donne de la visibilité et un engagement rigoureux d'équipes agiles travaillant en estimation relative comme le planning poker, par exemple. Cela permet aussi de s’adapter aux imprévus et de corriger le tir en fonction des contraintes techniques ou des besoins du marché. Bien sûr, cette méthode demande une vigilance constante pour ne pas dépasser le budgets alloué au niveau de la roadmap du produit, mais elle est particulièrement efficace dans les environnements où les incertitudes sont nombreuses.

Chaque sprint a un coût prévisible, basé sur les ressources utilisées et le travail à accomplir. Les équipes suivent ces coûts de près tout en cherchant à maximiser la valeur ajoutée pour chaque itération. Par exemple, un suivi précis de la vélocité (la quantité de travail réalisée dans un sprint) permet de mieux estimer les budgets nécessaires pour les futures itérations, tout en gardant un œil sur les priorités.

Techniques de gestion des coûts agiles : Garder le cap sans rigidité

En approche Agile, certaines techniques permettent de rester flexible tout en maintenant un contrôle rigoureux sur les coûts. Parmi elles, on retrouve :

  • Cost of Delay : Ce concept consiste à évaluer combien coûte un retard dans la livraison d'une fonctionnalité. En mesurant ce coût potentiel, les équipes peuvent mieux prioriser leur travail pour minimiser les pertes financières.
  • WSJF (Travail le plus court en premier) : C'est la priorisation des éléments au sein d'une itération en fonction de : (la valeur ajoutée + de la criticité du temps de mise en place + du risque asssocié) divisé par la charge de travail

Difficultés rencontrées par les organisations dans la gestion budgétaire agile

Malgré ses nombreux avantages, la gestion budgétaire dans un environnement agile présente plusieurs défis pour les organisations.

  1. Prévisibilité des coûts : Contrairement aux approches traditionnelles où un budget fixe est défini dès le départ, l’Agilité implique une flexibilité constante. Cela peut rendre la prévision des coûts à long terme difficile, car les besoins évoluent au fur et à mesure des itérations. Pour les décideurs et les parties prenantes qui ont besoin de garanties budgétaires, cela peut engendrer des tensions.
  2. Priorisation des fonctionnalités : En approche agile, on met l'accent sur la valeur générée, mais cela peut parfois conduire à négliger les fonctionnalités non prioritaires mais essentielles pour des raisons de budget. Le défi réside dans l’équilibre entre l’ajout de valeur rapide et la gestion des attentes à long terme. Les capacités d'allocations contraintes par itérations permettent de s'assurer que des moyens sont toujours alloués entre valeur ajoutée, dette technique et maintenance par exemple.
  3. Gestion des imprévus : Les équipes agiles doivent faire face à des imprévus tout au long du projet, que ce soit des modifications de priorités, des problèmes techniques, ou des retards. Si la méthode Cost to Design permet une certaine flexibilité, elle expose aussi les organisations au risque de dérapage budgétaire si les ajustements sont mal contrôlés.
  4. Culture d'entreprise : La résistance au changement est une réalité dans de nombreuses organisations. Passer d’une gestion budgétaire traditionnelle à une gestion itérative, où les coûts sont ajustés en fonction des résultats, peut représenter un vrai bouleversement. Certaines équipes, peu habituées à cette flexibilité, peuvent rencontrer des difficultés à s’adapter.

Points d’attention pour une gestion budgétaire agile réussie

Pour surmonter ces défis et garantir le succès de la gestion budgétaire agile, voici quelques points d’attention :

  1. Transparence budgétaire : Il est essentiel de maintenir une transparence totale sur les coûts à chaque niveau de l’organisation. Que ce soit au niveau des équipes, des programmes ou de la stratégie globale, tous les acteurs doivent avoir une vue claire sur l’état des dépenses et les ajustements budgétaires en cours.
  2. Suivi et adaptation : Utiliser des métriques financières agiles comme le Cost of Delay ou les WSJF permet de garder un œil constant sur la rentabilité des priorisations.
  3. Communication régulière : En approche agile, la communication est la clé du succès. Les équipes doivent régulièrement communiquer sur l’état des coûts au sein de la roadmap du produit et des ajustements budgétaires avec les parties prenantes. Cela permet d'anticiper les écarts et d’ajuster les priorités sans créer de frustration.
  4. Alignement sur la stratégie : Enfin, il est crucial que les décisions budgétaires soient toujours alignées avec les objectifs stratégiques de l’organisation. Même si l’agilité permet de s’adapter aux besoins immédiats, il est important de garder en tête la vision à long terme et de s’assurer que les budgets alloués contribuent directement à ces objectifs.

En conclusion : Flexibilité financière et focus sur la valeur

En définitive, la gestion budgétaire dans un environnement agile repose sur un savant mélange de flexibilité et de discipline. Si l’Agilité ne place pas naturellement la gestion des coûts et du budget au centre de ses priorités, elle n'en est pas moins compatible avec une approche rigoureuse, tant qu’on met l’accent sur la valeur générée à chaque étape du projet et des niveaux de décision de l'organisation. Grâce à des techniques comme le Design to Cost, le financement incrémental et le suivi des horizons d’investissement, les organisations peuvent mieux piloter leurs budgets tout en conservant la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux imprévus et aux changements de priorités. Cela offre aux entreprises une grande agilité, tout en garantissant un contrôle financier optimal.

Grégoire Semelet
Fondateur, Gérant, Resp. Pédagogique & Digital

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